Par
Eduardo Molina.
L'Amérique
latine est le théâtre d'importants processus de lutte
de masse. Il y a un peu plus d'un an, pendant l'été
[austral] 2000, a déferlé une profonde vague de luttes
ouvrières, paysannes, indigènes et populaires, avec
pour épicentre la région andine, mais qui a également
concerné d'autres pays: le Costa Rica, le Paraguay et l'Argentine.
Aujourd'hui une nouvelle vague de convulsions politiques et de mobilisations
sociales a commencé à s'étendre: le nouveau soulèvement
indigène en Equateur début février, la crise
nationale de mars et la grève de 24 heures en Argentine, la
grève générale du 22 mars en Colombie, l'incessante
agitation que connaît la Bolivie - qui semble s'approcher d'une
nouvelle explosion - les importantes grèves des ouvriers du
pétrole, de l'acier et des instituteurs qui mettent un terme
à la "paix sociale" au Venezuela, la proche agonie
du gouvernement et les mobilisations paysannes massives au Paraguay.
Parmi certains de ces processus les plus aigus on a pu voir émerger
de nouvelles formes d'organisation et des méthodes radicales
de lutte. En Equateur, sur la base du grand soulèvement indigène
du 21 janvier 2000, il s'est formé un "Parlement Populaire".
En Bolivie, au cours du mois d'avril précédent, la Coordinadora
por el Agua y la Vida [Coordination en défense de l'Eau et
de la Vie] a centralisé la rébellion de Cochabamba [seconde
ville du pays], et en septembre le nouveau soulèvement indigène
a ébranlé le pays. En Argentine, les grèves générales
massives et le mouvement de travailleurs au chômage croissant,
qui ont généralisé l'utilisation de l'arme des
"piquets" et des barrages et coupures de route ont monté
l'ampleur du mouvement de protestation.
Ces précieuses expériences méritent une certaine
attention: les masses commencent sont en train de forger de leurs
mains les échelons permettant de construire une subjectivité
supérieure pour le mouvement ouvrier et populaire. L'objectif
de cet article et d'approcher, à partir de cet angle-là,
quelques-unes de ces expériences, parmi les plus avancées,
qui nous offrent des leÁons d'une br°lants actualité.
INTRODUCTION.
La question fondamentale de notre époque est celle du sujet
social et politique capable de mener à bien une transformation
radicale de la société. Pour le marxisme révolutionnaire,
l'essence du problème réside en la préparation
du prolétariat et de ses alliés pour affronter les tâches
fixées par notre époque: la révolution ouvrière
et socialiste à échelle mondiale.
L'époque historique que nous vivons se caractérise par
une contradiction extrêmement aiguë entre la maturité
des conditions objectives -essoufflement des possibilités historiques
de développement des forces de production pour le capitalisme
et la polarisation de la société entre exploités
et exploiteurs- et le retard du facteur subjectif.
Ceci n'est pas nouveau. "La conscience de la société
reste toujours en deÁà par rapport aux conditions objectives
du développement, et c'est ce que l'on voit reflété
à échelle mondiale dans le destin du prolétariat"
comme l'écrivait déjà Léon Trotsky il
y a longtemps(1). C'est uniquement face aux grandes convulsions que
l'humanité connaît régulièrement que, la
"nécessité aiguë, profonde et irrépressible
d'effectuer un changement dans la structure sociale révélée
au grand jour" le facteur subjectif peut se révolutionner
et se mettre en adéquation avec les nécessités
historiques. Evidemment, la vision marxiste n'entend pas la subjectivité
comme un simple reflet du développement automatiques des conditions
objectives. Le mouvement ouvrier et de masse doit aller de l'avant
dans sa préparation matérielle et idéologique
au cours des étapes antérieures à la révolution.
Aujourd'hui néanmoins le retard de la conscience par rapport
aux conditions d'existence est extrême, la subjectivité
du prolétariat traversant une crise aiguë sur laquelle
pèsent les graves séquelles de décennies de l'offensive
bourgeoise-impérialiste à l'encontre de la classe ouvrière
internationale et la subordination de ses vieilles organisations dirigeantes
à l'ordre bourgeois.
Les travailleurs ont très peu confiance en leurs propres forces
et on a exclu de l'imaginaire collectif l'idée- même
d'un changement social radical. Au sein des secteurs les plus conscients
et actifs la perspective d'une révolution sociale ou la colossale
force sociale et politique en puissance du prolétariat ne sont
pas présents. Il n'existe pas de courants marxistes révolutionnaires
ayant une certaine influence.
Bien s°r, la rénovation de la subjectivité de la
classe ouvrière et de ses alliés sociaux sera un processus
difficile, inégal et contradictoire; ne sera pas exempt de
défaites et d'échecs et recouvrira une période
considérable. C'est cette route que devra prendre le mouvement
ouvrier pour avancer dans le sens révolutionnaire de la reconstruction
de l'ensemble de ses organisations, de ses méthodes d'action
ainsi que ses logiques revendicatives, son idéologie et sa
conscience, de manière à choisir une nouvelle direction,
qui le place dans les meilleurs conditions possible pour les futurs
affrontements décisifs de la lutte de classe.
Du point de vue de la lutte de classe, nous préparons une étape
préparatoire à un niveau international au sein duquel
l'affrontement ouvert entre révolution et contre-révolution(2)
ne prédomine pas encore, bien que les conditions de passage
à un stade supérieur se réunissent. La classe
ouvrière n'occupe pas le centre de la scène politique,
il n'existe aucune large radicalisation, et les processus les plus
aigus sont nés dans les périphéries, au sein
des maillons les plus faibles du capitalisme mondial.
La situation
internationale actuelle se caractérise par la combinaison de:
L'aggravation des contradictions économiques, sociales, politiques
et culturelles du capitalisme impérialiste qui est à
la base du processus de délégitimation sociale et de
perte de consensus dans la domination du grand capital.
Une croissante tension au sein de la lutte de classe qui se traduit
en Amérique Latine par une mobilisation grandissante des masses,
par la lutte des peuples opprimés comme les Palestiniens, et
le retour à une "protestation sociale" en Europe
tel qu'on pu le souligner de nombreux analystes.
L'extension du mouvement anticapitaliste international à partir
des pays centraux qui indique le réveil à la vie politique
et les premiers pas vers un certain début de radicalisation
d'une nouvelle génération d'avant-garde.
Un processus de renversement idéologique avec la crise du discours
néo-libéral et la quête d'explications profondes
à la crise de l'humanité.
Il s'agit d'autant d'éléments qui commencent à
apporter une base matérielle plus favorable pour avancer dans
la reconstruction de la subjectivité ouvrière, puisque
c'est uniquement à travers la plus large expérience
de la lutte de classe que l'on pourra avancer: "l'action politique
(...)contribue à l'éducation des ouvriers pour la révolution
" affirmait Engels(3).
C'est au travers du processus vivant de la lutte de classe, à
travers l'unification de ses rangs et sa différenciation politique
, que le "spontanéité, forme embryonnaire de la
conscience, devient consciente"(4). Voici le terrain en somme
dans lequel s'inscrit la lutte pour recomposer la continuité
du marxisme révolutionnaire et faire les premiers pas dans
le sens du dépassement de la crise historique de la direction
révolutionnaire du prolétariat.
Ainsi,
à la lumière de ces considérations générales,
que montrent les grandes luttes de masse auxquelles nous avons assisté
en Amérique Latine.
Un trait de grande importance réside en cela que certaines
de ses expressions les plus avancées montrent comment, au cours
des grands processus de mobilisation sociale, il se fait sentir la
nécessité de formes d'organisation plus larges et plus
démocratiques pour la lutte et des méthodes d'action
plus radicales. Au sein de ces tendances se manifeste l'inclination
des masses à prendre en main les problèmes les plus
br°lants, à faire face aux problèmes nationaux,
à se libérer de la soumission aux mécanismes
normaux de domination de la bourgeoisie et de son Etat. Ces expériences
vont dans le sens d'un affrontement entre classe beaucoup plus développé,
l'auto- organisation et la démocratie directe pour la lutte.
De cette manière les masses ont commencé à semer
de nombreux et précieux jalons, encore partiels, inachevés
et confus quant à leurs idées et illusions, sur le chemin
d'une recomposition progressive de leur subjectivité.
Néanmoins,
l'attention politique qu'on leur a porté et la réflexion
théorique dont elles ont fait l'objet sont très faibles,
et pas seulement dans le monde " académique ", mais
aussi dans les milieux de gauche.
De plus, la plupart des analyses concernant ces processus de masse,
ne sont pas approfondis en regard aux nouvelles formes d'organisation
politique ainsi que les méthodes radicales de luttes.
Quant à la méthode, on peut schématiser deux
grandes tendances d'interprétation.
1-Une
vision privilégiant ce qui est "superstructurel"
et qui conÁoit les actions spontanées des masses comme
des pas primitifs ou élémentaires de protestation, sans
continuité ou perspectives propres, qui devraient laisser place
à des formes plus "élevées" et institutionnalisées
à travers un "levier syndical et revendicatif" d'une
part, et "politique" (à travers des formes parlementaires
ou municipales) de l'autre. Cette conception tient compte des nécessités,
des directions réformistes et populistes dont la logique consiste
à réarticuler des médiations qui empêchent
une rupture subversive de l'ordre constitué par les masses.
2-L'autre vision, moins diffusée, attribue une primauté
unilatérale à la "spontanéité".
Cette tendance consiste à prendre les choses telles quelles,
en soi, de manière impressionniste. Cette méthode d'interprétation
correspond aux conceptions "autogestionnaires", " de
base "( comme on le disait dans les années 70), elle n'élucide
pas ses contradictions internes ni le rôle joué par les
directions existantes et est impuissante à développer
son potentiel subversif.
3-La méthode marxiste, au contraire, permet de réaliser
une analyse concrète de ces phénomènes, en pénétrant
leurs relations internes, leurs contradictions et leurs dynamiques.
Il s'agit, comme le disaient Marx et Engels, "de représenter
dans l'actualité du mouvement, le futur du mouvement"
(*5). C'est-à-dire qu'il s'agit de comprendre ces phénomènes
partiels en rapport avec la totalité du mouvement social dans
sa perspective historique. Nous essayerons de suivre cette ligne méthodologique.
Nous ne prétendons pas dans ce travail analyser l'ensemble
de la richissime et complexe problématique du sujet historique
(*6). Nous nous limiterons à aborder quelques unes des récentes
expériences de la région que nous considérons
particulièrement significative: Equateur, Bolivie, Argentine.
Nous prendrons comme fil conducteur de cette analyse trois aspects:
1- le caractère de l'affrontement social et politique; 2- les
nouvelles formes d'organisation; 3- les méthodes d'action utilisées;
et cela en étudiant quelques uns des enseignements du point
de vue d'une stratégie ouvrière indépendante.
I-PROCESSUS
DE LUTTES DE MASSE EN AMERIQUE LATINE.
Depuis
le dernier tiers des années 1990, l'Amérique Latine
s'est transformée en un laboratoire de phénomènes
sociaux et politiques s'intégrant à la tendance à
l'accentuation de la lutte de classe.
A la base de ce processus, se trouvent les profondes transformations
économiques et sociales qu' a imposé la pénétration
impérialiste au cours de la dernière décennie.
A un niveau superstructurel, on découvre une crise politique
et une croissante instabilité qui traverse la région,
sapant les bases des régimes politiques et menant à
"l'ingouvernabilité" dont la bourgeoisie et l'impérialisme
ont si peur.
C'est sur ce terrain que les secteurs avancés des masses latino-
américaines sont en train d'accumuler un important bagage politique.
Nous soulignerons quelques éléments de ces processus.
1-L'usure
politique croissante de la "démocratie pour les riches"
et des mécanismes de domination politiques de la bourgeoisie.
Alors que la crise dans laquelle se trouvent les systèmes traditionnels
de partis s'approfondit, un phénomène de délégitimation
croissant des Parlements, de la Justice et des autres institutions
clés de l'Etat se répand au sein de vastes couches sociales.
Cette expérience tend à avancer malgré le pouvoir
diluant néfaste que joue les différentes médiations
populistes ou réformistes, depuis le chavisme au Venezuela
en passant par le PT au Brésil , Pachacutic en Equateur, jusqu'au
FSLN au Nicaragua qui sont autant de garants pour empêcher une
rupture avec le système de démocratie formelle.
2-Le discours idéologique "néo-libéral",
en faveur des privatisations et pro-impérialiste qui a dominé
les années 1990 est en recul. Il existe de surcroît ce
bagage politique au sein de certains secteurs des masses qui se sont
mobilisées, qui ont pu vérifier dans la lutte l'état
de leur propre force et identifier, parmi l'impérialisme nord-américain,
le FMI, le grand capital financier, les grands propriétaires,
l'ennemi avec plus de clarté.
3-Il existe un processus large et profond d'émergence des opprimés
et une intensification de la lutte de classe qui a débouché
sur des situations pré-révolutionnaires dans plusieurs
pays (Colombie, Equateur, Bolivie, Paraguay ou Argentine), des soulèvements
à caractère semi-insurrectionnel (Bolivie, Equateur)
et de multiples manifestations de protestation et mobilisation sociale.
La paysannerie et les masses indigènes ont connu une forte
remontée depuis le Mexique jusqu'au pays mapuche, depuis la
Colombie jusqu'au Brésil, qui a su fortifier et donner un nouveau
souffle à des organisations de masse telles que le MST brésilien,
la CONAIE d'Equateur ou la FNC paraguayenne. Aujourd'hui ce processus
tend à se combiner avec des luttes urbaines et ouvrières
comme l'ont montré les grèves générales
en Argentine et l'agitation urbaine en Bolivie. De vastes secteurs
populaires participent à ce processus depuis les petits producteurs
menacés de ruine, les sans-abri, certaines couches moyennes
qui se mobilisent derrière des revendications démocratiques.
Plusieurs luttes étudiantes, au Mexique ou au Chili, qui montrent
l'inquiétude gagner certains secteurs des nouvelles générations.
4-L'éruption d'un nouveau mouvement paysan et indigène
est sans doute le processus socio-politique le plus spectaculaire
de ces dernières années. Ce mouvement qui montre au
cours de ses actions son potentiel et sa combativité, met à
l'ordre du jour "la question fondamentale de l'autodétermination"
et replace au centre "de débat national sur la réforme
agraire, l'émergence d'une organisation paysanne de base développant
ses propres structures et ayant ses propres leaders, et ne devant
rien à aucun partis (*7). Son ascension se produit en réponse
à la pression brutale que font peser le grand capital et l'impérialisme
sur les territoires, les conditions de vie et la culture des masses
rurales. Ce processus se trouve être à la base des occupations
de terres au Brésil, des grands soulèvements équatoriens
et boliviens, le renforcement des FARC en Colombie, de la lutte andine
défendant la production de la feuille de coca, des manifestations
regroupant des dizaines de milliers de personnes qui ont accompagné
la marche zapatiste jusqu'à Mexico.
5-Un nouveau mouvement ouvrier commence à faire ses premiers
pas au sein de ce processus de mobilisation sociale et de crise politique.
Même si la classe ouvrière n'est pas encore visible sur
cette scène en tant que force sociale autonome, elle est néanmoins
partie prenante de ce processus. Au Costa Rica, en Colombie, en Argentine,
en Uruguay, on a enregistré au cours de ces derniers douze
mois plus d'une douzaine de grèves nationales ainsi que des
centaines de débrayages locaux, de luttes de résistance
ou de mobilisations partielles, montrant ainsi les tendances à
la reprise de l'initiative ouvrière après des années
de coups subis sous l'offensive capitaliste.
6-Une nouvelle génération commence à s'éveiller
à la vie politique, dans les luttes universitaires et étudiantes
comme au Mexique et au Chili, au cours des mobilisations démocratiques
au Pérou et au Paraguay, ou comme un reflet du mouvement de
jeunesse anticapitaliste international dont la dynamique se diffuse
depuis les pays centraux. C'est dans cette génération,
en cherchant des réponses profondes à la crise générale
de la société, que se trouvent les éléments
d'une nouvelle avant-garde qui fait ses premiers pas sur le chemin
de la radicalisation politique.
Des tendances
avancées à la mobilisation.
La mobilisation des masses tend à la lutte politique contre
les programmes néo-libéraux et les gouvernements qui
les dirigent, remettant en cause les régimes de "démocraties
pour les riches" et l'ordre étatique. Ceci s'est exprimé
ouvertement lors des soulèvement en Equateur et en Bolivie,
et lors de la grande lutte contre la privatisation de l'électricité
au Costa Rica .
Lors de ces grandes actions qui allient l'énergie et la spontanéité
des masses, s'expriment les tendances à dépasser l'atomisation
et la fragmentation des rangs de la classe ouvrière et des
masses pauvres, ainsi que la convergence de la campagne et de la ville,
annonÁant de fait la nécessité de l'alliance
ouvrière, paysanne et populaire.
Au cours des soulèvements, des rebellions, des barrages routiers
et des affrontements avec les forces de répression, dans la
lutte, pour le contrôle du territoire qu'impliquent les barrages
ou l'embryon d'autodéfense que sont les piquets de grève,
des tendances à la guerre civile se manifestent. D'après
la définition classique du marxisme, "la guerre civile
constitue une étape déterminée de la lutte de
classe lorsque celle-ci, en brisant les cadres de la légalité,
en arrive à l'affrontement public et, dans une certaine mesure,
physique, avec les forces s'opposant à elle" ( *9). C'est
ainsi que s'exprime la dynamique subversive de l'ordre en place que
tend à prendre la mobilisation de masse et qui représente
un entraînement militaire important pour les couches les plus
avancées.
C'est au cours de ce processus qu'ont surgi les formes d'organisation
les plus avancées et démocratiques, front unique des
masses pour la lutte, comme les Parlements en Equateur, la Coordinadora
en Bolivie, les "piquets" en Argentine, ou encore l'extraordinaire
lutte des étudiants d'UNAM de Mexico qui ont maintenue leur
université pendant dix mois au cours desquels le CGH (Conseil
Général de Grève) a vu le jour.
Ces expériences d'organisation, avec leurs méthodes
de combat, sont les éléments les plus avancés.
Il n'existe aucune tendance à l'indépendance politique,
ni d'avant-garde radicalisée avec suffisamment d'influence,
qui tende clairement vers la révolution. Tout ceci ouvre un
espace au cours de la période actuelle pour le programme réformiste
des directions actuelles se posant comme médiateurs. Cependant,
certains secteurs des masses ont fait d'importants pas en avant à
travers les mots d'ordre revendiqués. Les revendications démocratiques
et d'autodétermination soulevés par le mouvement paysan
et indigène d'Equateur et de Bolivie, le rejet des privatisation
comme au Costa Rica ou le mot d'ordre progressiste "Du travail
pour tous!" des travailleurs au chômage argentins, ou encore
le sentiment anti-impérialiste, comme le montre le rejet du
Plan Colombie ou des protestations contre l'ALCA, en sont témoin.
II-TROIS
EXPERIENCES: EQUATEUR, BOLIVIE, ARGENTINE.
Au sein
de la multiplicité et de la richesse de ces premières
répétitions pour le mouvement de masse, deux grands
courants s'expriment.
L'un
tendant au front unique sur les bases des organisations déjà
existantes (ouvrière, paysanne et populaire) et à travers
l'accord des directions actuelles, face à des situations de
crise politiques aiguës et des protestations de masse. C'est
le cas de l'Equateur et de la Bolivie dans lequel le principal protagoniste
de cette période-ci et le mouvement paysan alors que l'intervention
du prolétariat est moindre.
L'autre tend à la création d'organismes originaux prenant
naissance à la base, dans des secteurs préalablement
non organisés ou lorsque les organisations officielles du mouvement
ouvrier sont contre ces mobilisations. C'est le cas des principales
expériences des mouvements de travailleurs au chômage
en Argentine.
Ces deux courants, loin de s'exclure, se combinent au contraire, au
cours de processus vivants et multiformes.
Equateur:
le soulèvement de janvier 2000 et les parlements populaires.
Depuis
début 1997, lorsqu'une importante rébellion ouvrière,
paysanne et populaire a fait tomber Bucaram, le pays est traversé
par un processus révolutionnaire émaillé de convulsions
politiques, économiques et sociales. L'année 2000 a
commencé sur une accentuation de cette crise. Alors que le
gouvernement de Mahuad se trouvait à l'agonie, il devait faire
face à d'importantes contradictions en son sein. C'est dans
ces conditions qu'a eu lieu la nouvelle irruption du mouvement paysan
et indigène équatorien qui a connu une longue décennie
de mobilisation et d'organisation, incluant quatre soulèvements
nationaux. C'est au cours de ce processus que s'est fortifiée
la CONAIE (Confédération des Nationalités Indigènes
de l'Equateur) sur la base d'autres organisations telles que Ecuarunari
et la FENOC (*11). Le mouvement combine la résistance au plan
pro-impérialiste des gouvernements successifs avec la lutte
pour la terre et l'autodétermination.
Le 21
janvier 2001.
Ce soulèvement a marqué un point dans la lutte politique
de masse en tant qu'action menée essentiellement par le mouvement
paysan et indigène qui a ouvertement mis à l'ordre du
jour le problème du pouvoir politique en remettant en cause
le gouvernement de Mahuad et en s'orientant vers une issue politique
des cadres et des institutions "normales" de la "démocratie
pour les riches." Et cela bien que la direction de la CONAIE
ait imposé une politique d'appui aux militaires et un programme
timidement réformiste.
La rébellion a progressé à travers les barrages
routiers et plusieurs milliers de paysans et d'indigènes, convergeant
sur Quito, malgré le déploiement massif des forces de
répression, o? ils ont pris d'assaut le Congrès et d'autres
édifices publics. C'est là que le mouvement s'est combiné
avec le soulèvement d'une fraction de l'officialité
de rang moyen pour faire tomber le gouvernement et imposer pendant
quelques heures une "Junte de salut national", menée
par le colonel Lucio Gutierrez, Antonio Vargas (leader paysan) et
un ancien juge. Pendant ce temps-là, les travailleurs des secteurs
stratégiques du pétrole et de l'électricité
se mettaient en grève. Le soulèvement réclamait
la dissolution du Congrès, l'épuration de la Justice
et un programme économique "non néo-libéral":
une économie mixte de marché solidaire. En matière
politique, il proposait la création d'une Junte de gouvernement
d'un Conseil d'Etat et d'un Parlement des Peuples, pour arriver "à
un Etat multinational et pluriethnique" (*12). C'est à
dire qu'il s'agissait en fait d'un programme de réforme fondamentalement
politique qui ne remettait pas en cause la grande propriété
capitaliste de la terre et des entreprises.
Le soulèvement a été conÁu par la direction
de la CONAIE et de Pachacutic (*13) comme une grande mobilisation
pacifique avec une faible participation ouvrière urbaine devant
être subordonnée à la conspiration militaire.
En n' ayant pas un programme d'unité à destination du
mouvement ouvrier et indépendant des militaires et de la gauche
bourgeoise, le mouvement ne possédait aucune perspective propre.
L'échec du colonel Gutierrez à gagner l'appui de l'ensemble
des Forces Armées a sapé cette tentative et le gouvernement
est resté entre les mains de Noboa ( le vice-président),
la bourgeoisie pouvant reprendre l'initiative politique et contrôlant
la situation.
En cela le soulèvement s'est terminé comme une dure
défaite politique pour les masses. La responsabilité
politique de celle-ci repose sur les épaules des directions
de la CONAIE et de Pachacutic. Il s'agit d'une responsabilité
partagée avec le bloc maoïste- stalinien qui a maintenu
une politique de division, se refusant à lier les forces de
la campagne et de la ville ( o? il possède une certaine influence
au sein du mouvement syndical et étudiant), alors qu'il courtisait
les secteurs du personnel politique de la bourgeoisie ( des militaires,
des curés et des juges) et appuyait la Junte au nom d'un "gouvernement
de souveraineté et d'union nationale."(*15)
A la suite de l'échec de son projet front- populiste, la CONAIE
s'est tournée vers une stratégie de négociations
avec Noboa et s'est réconciliée avec la "démocratie"
(Pachacutic fait aujourd'hui partie des Conseils municipaux dans de
nombreuses provinces.
Malgré la forte impression qu'ont provoqué ces événements
au niveau international, et notamment au sein de la gauche, marquée
par les discours initiaux de Vargas, son programme est resté
limité au réformisme et comme le reconnaissait un dirigeant,
"il est difficile de comprendre que le mouvement indigène
ait une dynamique partant d'un discours pouvant paraître radical,
mais qui fait pression sur le possible." (*16) La base paysanne
s'est retrouvée, à de nombreuses reprises, plus à
gauche que ses dirigeants, comme cela se réfléchira
dans les tensions et critiques internes, au sein de la CONAIE.
La défaite du 21 janvier n'a pas signifié une stabilisation
durable de l'Equateur malgré l'imposition du programme de dollarisation.
De nombreuses mobilisations de travailleurs et de paysans se sont
succédées depuis, débouchant sur un nouveau soulèvement
qui a culminé le 7 février le 7 février dernier
par une nouvelle grève générale et une énième
négociation avec le gouvernement. Cela a démontré
que les masses équatoriennes sont capables de reprendre l'initiative
en dépit de la politique de conciliation de leurs dirigeants
indigénistes, sociaux-démocrates et mao-stalinien.
Les parlements
populaires.
Au cours
des journées précédant le soulèvement
du 21 janvier, "un Parlement National des Peuples de l'Equateur",
constitué "par plus de 21 Parlements provinciaux, d'innombrables
Parlements communaux, de canton et de quartier", proclamaient
avoir "assumé directement l'exercice de la souveraineté
nationale" et appelait à la dissolution des pouvoirs de
l'Etat. (*17) L'appel à les constituer est parti d'Antonio
Vargas et de Pachacutic, réitérant par là une
mécanique, type: les directions bureaucratiques et réformistes
se voient obligées, en fonction des circonstances politiques,
"à chercher un point d'appui plus solide parmi les masses,
et celles-ci à leur tour se voient poussées à
l'action." (*18)
En impulsant ces Parlements, il s'agissait de trouver un point d'appui
au sein de la mobilisation de masse, en vue du projet de front populaire
avec le colonel Gutierrez et ses officiers, tout comme il s'agissait
de trouver un espace de collaboration avec les dirigeants de la gauche
de la classe dominante. Effectivement, comme le raconte Kintto Lucas,
"avant l'installation du Parlement national, la CONAIE, les syndicats,
les organisations professionnelles et non gouvernementales, les entrepreneurs,
les représentants de l'Eglise, ont étable dans diverses
provinces des Parlements populaires agissant comme des autorités
alternatives. Dans le province d'Azuay, à 500km au sud de Quito
dans les montagnes, le Parlement populaire présidé par
l'archevêque de la ville de Cuenca, Luis Alberto Luna Tobar
a pris ses fonctions dimanche avec la participation de plus de 50
délégations. Ces Parlements, qui discutent des problèmes
régionaux, ont élaboré des propositions qui seront
proposées au Parlement National, se réunissant mardi
à Quito." (*19).
La base de ces Parlements se trouvait dans les organisation paysannes
et indigènes, mais la plupart des syndicats et des organisations
étudiantes n'y ont pas participé avant tout à
cause de la politique de division des maoïstes, tout à
leurs disputes d'appareils avec Pachacutic, puisqu'ils avaient d'ailleurs
tenté de créer, sans aucun succès, leur "Congrès
du Peuple" (*20). Les Parlements commenÁaient à
se constituer comme des moteurs de la centralisation de la mobilisation
sociale (plus faible à Quito et Guayaquil) dans de nombreuses
provinces. Certains analystes ont insisté sur "la situation
de double pouvoir qui a régné sur l'Equateur pendant
quelques jours, alors qu'après le 21 janvier, les "pouvoirs
locaux continuent à être une école politique mais
aussi le centre d'organisation autour des indiens et des autres secteurs
opprimés et exploités." ( 21) En ce qui concerne
le PSTU et la LIT, il s'agissait tout simplement d'une "révolution
classique" puisqu'ils comparaient les Parlements à des
Soviets (*22)
Mais les Parlements populaires, front unique des organisations existantes
et nés d'accords politiques entre les dirigeants officiels,
n'ont pas m°ri comme expression de l'aspiration de la base à
la démocratie directe et à l'unité dans lutte.
C'est pour cela qu'ils n'ont pas réussi à se transformer
en une autorité par l'ensemble des travailleurs et des paysans.
Comme le signifiait Trotsky, "la tâche d'un soviet ne consiste
pas à se transformer en une parodie de parlement ni à
organiser de manière égale la représentation
des intérêts des différents groupes sociaux, mais
bien de doter en unité la lutte révolutionnaire du prolétariat
[et des masses paysannes et populaires]" (*23). En raison de
la politique néfaste des directions qui les ont transformé
en instrument de leurs intrigues et leurs manúuvres, les Parlements
se sont progressivement réduits à une parodie. Face
à la nécessité d'unir les masses des villes et
des campagnes dans la résistance de l'offensive de Noboa, les
Parlements ont progressivement perdue de leur contenu et n'ont plus
joué de rôle décisif.
Une tradition
de démocratie paysanne et populaire.
Les Parlements
ne sont pas tombés du ciel, ni l'invention de quelques dirigeants.
Ils s'appuient sur divers antécédents prenant racine
dans le riche et convulsé processus équatorien.
Au cours des journées de février 1997, pendant le grand
soulèvement contre Bucaram, des assemblées du peuple
se sont rassemblées dans diverses provinces, en centralisant
la mobilisation sociale, et dans certains cas destituant des gouverneurs
et autres fonctionnaires bucaramistes, en nommant de nouvelles autorités
provisoires. Dans certaines entreprises d'Etat, les travailleurs avaient
expulsé les directions en les remplaÁant par leur représentant
syndicaux. C'est ainsi que s'exprimaient les tendance à la
démocratie directe et au surgissement d'un double pouvoir embryonnaire,
immature.
Ces tendances ont resurgi lors des différentes rébellion
de masse des dernières années. Les Parlements du 21
janvier en ont constitué le point le plus aigu. Au cours des
mobilisations de février 2001, à Cotopaxi, une assemblée
populaire a destitué les autorités et a proclamé
gouverneur le président de la fédération universitaire
locale. Dans d'autres provinces, on a occupé les édifices
des communications pour les mettre au service du soulèvement.
Cette tradition de démocratie populaire plonge ses racines
dans l'histoire andine et sa tradition de "Cabildos Abiertos"
dans les villages et les villes, et de démocratie communautaire
paysanne. Elle est constamment alimentée par l'expérience
que le mouvement de masse gagne lorsqu'il se retrouve face au mécanisme
de tromperie de la démocratie formelle bourgeoise.
La classe sociale qui peut prendre entre ses mains et mener à
bien les aspirations des masses pauvres exerÁant leur propre
démocratie à travers l'action, c'est le mouvement ouvrier
équatorien. Le prolétariat possède une tradition
de lutte très importante, comme les insurrections de Guayaquil
en 1922, la "glorieuse révolution" de 1944, ou encore
l'intensité des luttes dans les années 1980. Cependant,
il s'est toujours vu dissout dans le populisme équatorien,
dans les directions ouvrières, ont toujours été
des courroies de transmission.
La classe ouvrière doit unifier ses rangs et défendre
son propre programme. La dispersion syndicale et la précarisation
peuvent être dépassées par les armes de l'auto-organisation
de la démocratie directe. Lors des prochains combats des masses
équatoriennes, il sera question d'approfondir l'expérience
des "Parlements" par des organismes supérieurs de
front unique, o? l'on impose une représentation authentique
des masses en lutte, libérées de l'influence des"notables"
petits-bourgeois et bourgeois (curés, militaires, intellectuels
des ONG), et o? la centralité sociale et politique de la classe
ouvrière, menant les pauvres de la ville et des campagnes,
pèse un poids qualitativement différent.
La
Bolivie: Avril et septembre 2000 et la Coordinadora por el agua y
la vida.
La Bolivie
a constitué l'année dernière un des pays ayant
connu le plus importants affrontements de classe, accélérant
la reprise de l'initiative des masse et redistribuant la donne en
leur faveur à la suite de 15 années d'une offensive
néolibérale sauvage. Le facteur essentiel de la scène
sociale du pays a été sans aucun doue l'irruption à
grande échelle du mouvement paysan et indigène. Au cours
de la dernière décennie les colons du Chaparé,
des petits producteurs de feuilles de coca, ont joué un rôle
essentiel en résistant aux plans impérialistes d'éradication
des cultures. Mais le fait nouveau réside dans la renaissance
du mouvement paysan de l'Altiplano et dans les vallées inter-andines,
dont les acteurs ont réalisé le plus important réseau
de barrages routiers depuis 1979. La Coordinadora de Cochabamba s'est
constituée comme une borne sur le chemin de l'auto-organisation
et comme une alliance entre la campagne et la ville. En avril comme
en septembre, les affrontements ont frôlé par certains
aspects la guerre civile et on fait naître des noyaux d'autodéfense
des masses. Alors que l'on boucle cette édition, il semble
que la Bolivie s'oriente vers un nouvel affrontement de portée
nationale contre le gouvernement d'Hugo Banzer. L'examen de ces grands
combats et les leÁons à en tirer sont par conséquent
d'une extraordinaire actualité.
Avril.
Depuis début 2000, l'agitation grondait dans la ville et les
campagnes aux alentours de Cochabamba, contre la privatisation du
réseau régional d'approvisionnement en eau en faveur
de l'entreprise "Aguas de Tunari". Début avril, le
processus de mobilisation voit le jour dans la ville et dans tout
le département, lutte centralisée par la Coordinadora
por el agua y la vida.
L'état de siège décrété par le
président Banzer a provoqué une véritable insurrection
populaire, les barrages routiers se généralisant à
la campagne, alors que les affrontements avec les forces de l'ordre
se généralisait en ville. Au même moment, le GES
(Groupe Spécial de Sécurité de la police) se
mutinait à La Paz, revendiquant une hausse des salaires, et
ouvrant une brèche grave au sein des forces de répression.
La lutte de Cochabamba s'est transformée en une semi-insurrection
populaire, avec des barricades dressées dans les rues accompagnées
de durs affrontements, ce qui a forcé l'Armée et la
police a de retirer et à laisser la ville aux mains des masses
durant plusieurs jours.
La force décisive de la spontanéité décisive
des masse s'est exprimée au cours des moments culminants, comme
le reconnaît Oscar Olivera, dirigeant ouvrier et principal porte-parole
de la Coordination. "On nous a parlé dès le jeudi
d'une première réunion [pour ouvrir le dialogue avec
les autorités]. Les gens ont encerclé la préfecture
et toutes les autorités sont restées retenues à
l'intérieur. Là on s'est rendu compte que le problème
était assez grave parce qu'on avait perdu le contrôle
des gens. Cette même nuit(...), on a arrêté tous
les membres dirigeants de la Coordinadora(...). A trois heures du
matin on nous a finalement dit que c'était une erreur du gouvernement
et qu'on était en liberté. Ca a poussé les gens
à poursuivre. Le vendredi, les gens sont descendus massivement
dans la rue et ont décidé de rester sur place jusqu'à
ce que les choses se clarifient.(...) La réunion a commencé
lorsqu'on nous a dit que des renforts arrivaient de La Paz et de Santa
Cruz. Il devait y avoir environ 50 000 personnes sur la place et tout
le monde s'est dispersé pour se préparer à la
bataille."(24)
Des camarades de la LOR-CI Témoins des événements,
nous ont écrit :" Ne pouvant plus contenir toute cette
énergie, et lorsqu'ils se sont rendus compte que ni les lacrymogènes
ni les balles en caoutchouc ne servaient à rien, ils sont passés
aux balles réelles qui ont fait un mort et plus de 30 blessés.
La colère de la population devant un tel massacre n'a pas eu
de limites, et les gens ont br°lé les bâtiments qui
les représentaient : l'école des sous-officiers, la
caserne du GES, leurs motos ainsi que l'édifice de l'ex CODERCO
(Corporation de Développement de Cohabamba]. Après dix
heures de combats et à la suite de la mutineries du GES à
La Paz, la police, moralement et physiquement, avait perdu la bataille."(25)
Les masse ont fêté leur triomphe en occupant la grand-place
de la ville, "espace du pouvoir symbolique", autour de laquelle
avaient eu lieu les combats les jours antérieurs. C'est là
que se sont réunis d'énormes Cabildos [Conseils communaux]
ouverts auxquels participaient des dizaines de milliers de personnes,
et dans lesquels la Coordinadora était présente et o?
l'on discutait des grandes décisions à prendre.
Pendant ce temps là, les barrages routiers paysans s'étendent
à plusieurs régions du pays, notamment dans l'Altiplano
au nord de La Paz, comme à Achacachi. Là, à la
suite de la répression féroce des militaires, les paysans
battent un capitaine de l'Armée à mort.
Dans plusieurs villes comme Oruro, Sucre, Potosi, d'importantes mobilisations
populaires se tiennent centrées autour de diverses revendications
populaires. A La Paz, les étudiants se heurtent violemment
à la police.
Au bout du compte, après le 12 avril, affaibli et face à
une crise profonde du régime, Banzer a d° revenir sur la
privatisation de l'eau et lever l'état de siège. La
lutte n'a pas réussi à s'étendre nationalement,
notamment à cause de la politiques des directions syndicales
et politiques, celle de la COB [Centrale ouvrière Bolivienne]
en particulier, qui ont tout fait pour limiter le conflit.
Néanmoins la Bolivie ne serait plus désormais comme
avant : la rébellion de Cochabamba a ouvert la brèche
pour une nouvelle situation, avec les masses passant à l'offensive,
un gouvernement et un régime profondément affaibli,
et une extraordinaire expérience de lutte et d'organisation,
alors que l'alarme était au rouge pour la classe dominante
et ses politiciens.
La "Coordinadora por el Agua y la Vida"
Il s'agit là de la grande conquête politique des masses
de Cochabamba qui a permis de centraliser dans l'action, démocratiquement,
tous les secteurs des masses en lutte, en scellant l'alliance entre
la ville et les campagnes. La Coordination était un organisme
large de front unique réunissant un large spectre d'organisations
ouvrières et paysannes : les comités de paysans utilisant
l'irrigation (comités de regantes), les syndicats, surtout
la fédération des travailleurs d'usine (fabriles) et
de l'enseignement, des comités de quartier, des ONGs, des partis
politiques, etc...
La COD (Centrale ouvrière départementale) s'est retrouvée
débordée et a d° rejoindre la Coordination alors
que le Comité Civico [sorte de Comité d'action civique,
organisé par la bourgeoisie locale] a été éclipsée.
Au cours de la rébellion;, la coordination a exprimé
les tendances à lauto-organisation et à la démocratie
directe, et cela malgré la politique de négociation
de la plupart de ses dirigeants.
Cette tendance progressiste s'appuyait sur les énormes assemblées
populaires qui remplissaient la Place du 14 septembre, et au moment
le plus aigu de la lutte, lorsqu'autour du centre urbain, les barricades
se sont dressées comme autant d'embryons fugaces d'autodéfense
o? les jeunes "Guerriers de l'eau" se battaient contre les
forces de sécurité en ayant le soutien massif de la
population.
Après la victoire, la Coordination est restée organisée,
bien qu'elle se soit "institutionnalisée" et qu'elle
soit restée sous la coupe des organisations officielles. Elle
a rejoué un rôle important en septembre 2000, bien que
cette fois-là l'alliance entre ville et campagne qui lui avait
donné toute sa force en avril ne s'est pas reproduite puisque
la ville a été quasiment absente des mobilisations.
Elle peut jouer néanmoins un rôle important aujourd'hui
dans le cadre de nouveaux événements.
La Coordinadora représente l'exemple le plus frappant des tendances
à l'autodétermination et à la démocratie
directe, tout comme un organe de double pouvoir en avril pendant l'acmé
de la mobilisation. C'est cette tendance que A. G. Linera souligne
lorsqu'il écrit : "La Coordinadora a pu se passer et encercler
l'Etat durant plus d'une semaine , non pas seulement parce qu'elle
a obligé ses troupes à s'enfermer dans leurs casernes
et a demander la permission pour recevoir des vivres. L'Etat a commencé
a se désagréger parce que la foule a développé
des formes de participation politique en assemblée qui ont
rendu au citoyen le contrôle et la responsabilité directe
de ses problèmes (...)"(26).
C'est le refus de la plupart des directions politiques et syndicales
d'aller dans le sens d'une extension au niveau national de la lutte
et le manque de centralité politique du prolétariat
qui ont empêché que sur l'exemple de Cochabamba surgisse
un Comité de Grève ou une Coordination Nationale qui
scellent l'alliance ouvrière, paysanne et populaire.
Septembre.
Un second sérieux coup asséné au régime
a été le mouvement paysan et indigène qu'a connu
la Bolivie au mois de septembre 2000, accentuant et infirmant le rapport
de force instauré après la semi-insurrection de Cochabamba.
Cette fois-ci les villes, à part à travers la grève
des enseignant pour des hausses de salaire, ont peu pris parti pendant
le conflit et l'unité entre la campagne et les secteurs urbains
tel que cela avait eu lieu autour des revendications concernant l'eau
ne s'est pas réitérée.
Cependant, les soulèvements ont eu une portée nationale
en se basant sur les noyaux durs du mouvement paysan et indigène
: la région d'Achacachi et l'Altiplano au nord de La Paz, zone
historique des soulèvements agraires des paysans aymaras, les
vallées inter-andines autour de Cochabamba et le Chaparé,
région des cocaleros [paysans producteurs de feuilles de coca].
Le mouvement réclamait une réforme de la loi de l'INRA
(concernant la réforme agraire initiée en août
1953), ainsi que d'autres revendications, et dans le Chaparé,
la défense des cultures de coca et l'opposition à ce
que soient construits trois nouvelles casernes financées par
le gouvernement nord-américain.
Les paysans -encadrés par la CSTUCB [syndicat paysan] menée
par le "Mallku" Quispe, leader aymara et indianiste- ont
coupé par des centaines de barrages les routes les plus importantes
du pays en isolant des villes comme Santa Cruz, Cochabamba ou La Paz,
en paralysant la circulation des marchandises et des personnes et
menaÁant d'asphyxie les villes.
La répression barbare déclenchée par le gouvernement,
qui a fait plus de 10 morts et de nombreux blessés par balle
et a provoqué des dizaines d'arrestation, n'a pas réussi
à le mouvement et à au contraire provoqué une
certaine radicalisation dans les affrontements.
Ce qui était effectivement en jeu c'était le droit de
circulation mais aussi le contrôle du territoire. La rébellion
paysanne a ouvertement remis en cause l'autorité de l'Etat
ainsi que "l'ordre public" au cours d'un épisode
de guerre civile territoriale qui a vu se généraliser
l'organisation de l'autodéfense paysanne. Les tactiques militaires
paysannes tendaient à rendre inefficace le déploiement
militaire des troupes et des tanks, à moins de recourir, de
la part des officiers, à un massacre généralisé
aux répercussions incontrôlables.
L'organisation des différents aspects de la lutte revenait
aux assemblées des communautés indigènes et aux
syndicats de base, démontrant ainsi l'efficacité et
la capacité organisatrice de la démocratie directe sur
des bases communautaires. La jeunesse paysanne a joué un rôle
d'avant-garde au cours des affrontements et les dirigeants nationaux
ont eu beaucoup de mal par la suite à canaliser le mouvement
sur le chemin de la négociation. La force de cette massive
mobilisation a résidé dans ces méthodes radicales
de lutte qui ont insufflé des traits de double pouvoir territorial
au sein des syndicats de base , alors que la superstructure de la
CSUTCB restait aux mains des dirigeants officiels.
Après plusieurs jours d'une lutte héroÔque, le
"Mallku" Quispe et Evo Morales, le leader des cocaleros
ont décidé de chercher séparément une
issue en négociant avec le gouvernement de Banzer, au bord
du gouffre. Une fois de plus, comme en avril, la politique des directions
a été un obstacle pour la mobilisation et vers l'unité
ouvrière-paysanne. La COB a ouvertement refusé d'impulser
la lutte. Le programme de Quispe, avec son double jeu d'encercler
les villes et son discours indianiste, tout en cherchant la négociation
avec le gouvernement, éloignait la possibilité d'union
entre les masses laborieuses urbaines et la rébellion paysanne.
De plus, le "Mallku" a finalement opté pour des négociations
séparées , rompant de fait l'unité entre le Chaparé
et l'Altiplano. La CSTUCB s'est retrouvée en crise au sein
de son équipe dirigeante comme cela a pu se voir lors du dernier
congrès d'Oruro cette année.
Démocratie
directe et Assemblée Constituante.
Avril et septembre ont mis à nu l'énorme manque de légitimité
tant politique que sociale du faible Etat bolivien, ainsi que l'extrême
gravité des tâches structurelles : la question de la
terre, les droits à une pleine autodétermination pour
les peuples originaires, la misère, le chômage, le poids
humiliant de l'impérialisme. C'est ainsi qu'ils ont mis à
l'ordre du jour la nécessité de réorganiser le
pays sur de nouvelles bases;
Les courants réformistes ou "progressistes", depuis
le PCB en passant par le Mouvement "Sans Peur" essaye d'escamoter
une réponse indépendante des ouvriers et des paysans
face à cette crise nationale en prônant la solution d'une
Assemblée Constituante, s'appuyant sur des thèses faisant
référence à la "démocratie participative"
ou "le pouvoir constituant" dans sa version vénézuélienne
d'Hugo Chavez. C'est à dire qu'ils proposent une politique
de réforme des institutions politiques sans rompre avec la
grande propriété ni l'impérialisme.
Cette manière de poser le problème s'oppose le programme
trompeur de "perfectionnement" de la démocratie formelle
dans un pays semi-colonial, fondé sur l'exploitation des ouvriers,
des paysans et des indigènes; ainsi qu'à la démocratie
directe et aux légitimes aspirations démocratiques des
masses.
Le courant autogestionnaire incarné par Garcia Linera, malgré
son soutien apporté à la Coordinadora et à la
démocratie formelle, échoue en n'offrant aucune alternative
conséquente au réformisme traditionnel.
Dans Asi Es, organe de ce courant, on peut ainsi lire : "L'Assemblée
Constituante se profile comme une instance de type nouveau née
au sein de la société civile pour discuter et décider
des affaires communes (...). La Coordinadora a été une
grande réunion souveraine de représentants élus
au sein de leurs organisations de quartier, urbaines, syndicales,
paysannes, communales etc... ayant pour projet la réorganisation
de la vie politique du pays (...). Et toutes les mesures prises sont
ainsi impératives. C'est en cela que l'Assemblée Constituante
est un pouvoir souverain(...)."(27)
Cela est une confusion complète, car l'Assemblée constituante,
même si elle est démocratique e large, n'en reste pas
moins une institution de la démocratie bourgeoise. On ne peut
pas en faire à l'échelon national un équivalent
de la démocratie directe des masses mobilisées, comme
tendait à l'être la Coordinadora. Celle-ci s'appuyait
directement sur le soulèvement insurrectionnel. Peut-on imaginer
une Constituante souveraine sans un gouvernement provisoire des organisations
ouvrières et paysannes qui en assurent la pérennité
? Alors que le peuple démettrait Banzer, la bourgeoisie, les
militaires et l'impérialisme attendraient bien sagement ?
Asi Es combine une orientation démocratique à un programme
minimum d'autogestion des ressources de l'Eau. Imposer un contrôle
direct des ouvriers et des usagers sur ce service serait une victoire
pour les masses et une grande leÁon politique. Mais peut-on
imaginer une possible "gestion du pouvoir public en fonction
d'un thème aussi spécifique que l'eau"(28) sans
revoir toutes les privatisations des entreprises publiques et revenir
sur le projet d'ensemble du gouvernement actuel. La politique menée
par Asi Es en revient à dénaturer la Coordinadora en
tant qu'instrument des masses pour l'auto-organisatio démocratique
et l'unité dans les luttes. Garcia Linera et ses partisans
confondent les organes de démocratie directe, la lutte pour
une plus grande liberté politique en allant même jusqu'au
bout de l'expérience de la démocratie formelle ou représentative
(en cela le combat en faveur d'une constituante sur les bases des
ruines du régime actuel peut être utile), et la nécessité
de passer à un régime supérieur qui peut seulement
aboutir par la prise du pouvoir politique par les organisations démocratiques
des masses.
En ce sens, le programme autogestionnaire est au bout du compte le
spectre gauche du programme réformiste des directions bureaucratiques,
ennemies jurées de l'auto-organisation et de la démocratie
directe.
Le sectarisme
du POR (Parti Ouvrier Révolutionnaire)
Le POR-Masas, courant traditionnel se réclamant du trotskisme
mérite une étude toute particulière. Face aux
problèmes patents, le POR a renoué pour la énième
fois avec son impuissance sectaire. En avril, comme en septembre,
tout en jouant un rôle de premier plan au sein de la lutte des
enseignant, et comptant avec Miguel Lora au sein de la direction de
la Coordinadora, il a capitulé aux cours des moments décisifs
devant les directions réformistes, en refusant de mener un
combat en faveur d'une perspective d'indépendance politique
de la Coordinadora, pour son extension à un niveau national
ou en faveur de Comités de Grève pour généraliser
l'expérience de l'auto-organisation et mettre à mal
la direction bureaucratique et réformiste de la COB.
Le POR n'a pas eu non plus de politique en direction d'une alliance
avec les paysans et les indigènes, faisant ainsi le jeu des
directions petite-bourgeoise du mouvement paysan. Comme à son
habitude, le POR cache son impuissance et son suivisme en répétant
des formules abstraites comme "dictature du prolétariat"
en les opposant aux expériences des masses en lutte. C'est
en pensant à quelqu'un comme Guillermo Lora [leader historique
du POR] que Trotsky semble avoir écrit : "Opposer la consigne
des soviets comme des organes de lutte du prolétariat à
la lutte réelle d'aujourd'hui consiste à transformer
une telle consigne en un sanctuaire ultra-historique, en une icône
ultra-révolutionnaire, que peuvent seulement adorer quelques
dévots, mais qui sont incapables de mobiliser les masses révolutionnaire."(29)
La crise
de la COB et le rôle de la classe ouvrière.
La COB, syndicat historique surgi de la révolution de 1952,
traverse une crise aiguë. La base objective se situe dans la
défaite historique de 1985-86 à la suite de l'atomisation
du mythique prolétariat minier bolivien après la fermeture
des mines d'Etat après 1985 et les transformations imposées
pendant les 15 années de "réformes libérales"
ayant entraîné le chômage de masse, la précarisation
accrue, la destruction des syndicat de base, etc... Mais la faiblesse
du mouvement est avant tout politique et repose sur les épaules
de la direction bureaucratique inféodée au régime
de la "démocratie pour les riches" et qui a trahi
a plusieurs reprises la résistance des masses. En avril et
en septembre la COB a de nouveau rempli son rôle de division
et d'entrave au mouvement.
L'expérience d'avril a souligné les tendances à
renouer avec les traditions de centralité ouvrière au
sein des mobilisations de masses. C'est en ce sens que nous sommes
d'accord avec G. Linera lorsqu'il reconnaît "qu'une direction
ouvrière a unifié dans le temps et au travers d'un même
programme d'action les travailleurs des champs avec ceux de la ville,
les chauffeurs de bus avec les vendeuses des marchés et la
classe moyenne paupérisée".(30) Il faut effectivement
souligner le rôle central qu'a joué la fédérations
des travailleurs d'usine (dont il connivent de rappeler la longue
tradition de batailles à Cochabamba) au sein de la Coordinadora,
tout comme celui des syndicat des enseignants urbains et ruraux, ce
qui démontre le potentiel dirigeant et unificateur du mouvement
ouvrier.
Cependant, ce qui importe, ce n'est pas simplement ici de la "direction
ouvrière" mais un programme ouvrier indépendant
qui montre une issue pour la nation opprimée. Et c'est en cela
qu'il faut que la classe ouvrière unissent ses rangs et fasse
jouer son rôle pleinement au sein du processus de production
ainsi que son poids social pour imposer sa centralité.
La division entre la ville et les campagnes en septembre, consolidées
par la politique des directions paysannes et le rôle de la COB-
met en lumière la nécessité de l'irruption de
la classe ouvrière indépendante, seule classe qui puisse
être pour la paysannerie u allié ferme et lui donner
un programme qui sache unifier les revendications des masses.
L'exemple de la Coordinadora montre le chemin pour dépasser
l'atomisation des travailleurs et réussir l'alliance entre
les masses hétérogènes des villes et des campagnes.
Avec une politique juste s'appuyant sur l'unification des rangs de
la classe ouvrière, son indépendance par rapport à
l'Etat et à la bourgeoisie, la démocratie de classe,
c'est ainsi que les syndicats et les fédérations pourront
se transformer en organes d'auto-organisation ouvrière. Un
Comité National de Grève ou une Coordination nationale
peuvent dépasser le rôle de frein que joue la bureaucratie
de la COB et ce serait le meilleur moyen pour organiser "l'Etat
major" nécessaire pour coordonner la grande lutte nationale
contre Banzer.
(...)
ARGENTINE
: " PIQUETS, COUPURES DE ROUTES ET GREVES GENERALES "
Nous
avons inclus dans cette édition de EI deux travaux sur la crise
en Argentine (cf p 5 et suivantes). Ici nous nous limiterons à
une analyse des expériences avancées du mouvement des
travailleurs au chômage et de certaines des luttes ouvrières
de cette dernière période, comme étant les premiers
pas encourageants d'un nouveau mouvement ouvrier, qui s'est forgé
sous l'offensive du capital et de conditions difficiles d' "
hyper-chômage ".
" PIQUET, COUPURE DE ROUTE ET AUTO-ORGANISATION "
En novembre 2000, c'est produit à Mosconi et Tartagal (Salta)
un soulèvement dont l'impact a été très
important. Il a été déclenché par l'assassinat
d'un " piquetero " par les forces de police lors de la répression
d'une coupure de route pour la réclamation de postes de travail.
Le village entier s'est soulevé, a investit les commissariats,
pris en otage les policiers et s'est approprié les armes policières
: " La vengeance a été dirigée sur les symboles
du pouvoir et du malheur populaire, de même que lors du santiagazo
de 1993 : les " piqueteros " attaquèrent à
coup de pierres l'Hôtel Pòrtico Norte. Il continuerait
sur l'unité 4 et le commissariat 36 (avant ils avaient incendié
la section 41 de Mosconi)â... le Journal El Tribuno, la Municipalité,
le banque Nacion et la Provincia, les ateliers et la cafétéria
de l'entreprise Atahualpa " Finalement, le gouvernement a dû
céder quelques 1300 postes provisoires de travail et faire
quelques autres compromis.
A Tartagal sont réapparues les tendances à l'auto-organisation
et les éléments d'autodéfense populaire, les
traits insurrectionnels et le pouvoir duel embryonnaire qui caractérisé
les rébellions des travailleurs au chômage de l'intérieur
du pays depuis le premier Cutralcazo en juin 1996, avec les piquets
et les assemblées populaires et la Coordination de " piqueteros
" de Jujuy en 1997, commes expériences les plus avancées.
Ainsi, les " piqueteros " soulèvent le mot d'ordre
progressif " du travail pour tous " qui remet en cause le
plan bourgeois et ouvre la voie de l'unité avec les travailleurs
occupés.
Au sujet de piquets et coupures de route, une étude signale
: " Pour pouvoir réellement connaître leur importance
en tant qu'instrument de lutte et indicateur de la phase que cette
dernière est en train de passer, il faudrait distinguer entre
les coupures qui constituent un instrument subordonné à
une autre fourme qui les inclut, c'est ainsi qu'ils se sont présentés
historiquement (comme le piquets pour garantir un block out ou une
grève), de ceux qui se constituent comme instrument principal
de la lutte. L'image généralisée, construite
dans une importante mesure par les média de communication massive
n'établit pas cette distinction. Les coupures de route du type
de ceux de Cutralco en 1996-1997, Libertador General San Martin en
1997, Tartagal en 1997, Cruz del Eje en 1997, correspondent à
une autre catégorie dans la mesure où ils constituent
l'occupation d'une position défendue face aux forces policières.
Dans ce cas les piquets servent à garantir cette coupure, ils
sont massifs, plus d'une fraction sociale y est présente et,
bien qu'ils commencent par être organisés dans des multisectoriels
ou autres formes semblables, bientôt une organisation en assemblée
surgit ainsi que des formes que, cédant à la tentation,
nous pouvons appeler " démocratie directe ", ce qui
porte en soi-même la désinstitutionalisation " (...)
. Même comme expériences locales ou épisodiques,
ce sont là des jalons importants d'auto-organisation démocratique
et une expérience des premiers escarmouches d'une guerre de
classes.
Le mouvement des travailleurs au chômage et la généralisation
du piquet et de la coupure de route
Depuis lors la coupure de route et le piquet pour l'organiser et le
défendre se généraliseraient, devenant le patrimoine
du mouvement des travailleurs au chômage au niveau national,
des luttes par entreprise et secteur, et finalement des grèves
générales actives.
La généralisation de ces méthodes a accompagné
le développement du mouvement des travailleurs au chômage
à l'échelle nationale, un phénomène très
important dans un pays où le taux de chômage est de 15%-
4 millions de travailleurs au chômage et de précarisés-.
Ce mouvement, avec divers noyaux dans tout le pays, qui très
souvent ne sont pas contrôlés par les directions officielles
des centrales syndicales ou les partis traditionnels (bien que ceux-ci
agissent et aient une influence sur ceux-là), est une avancée
importante pour l'ensembles de la classe ouvrière, car elle
commence à remettre en question de façon objective,
la division dans les rangs ouvriers entre les occupés et les
travailleurs au chômage, bien qu'elle établisse pas encore
un lien étroit avec les usines et les syndicats. Lors des dernières
grèves et mobilisations, ils ont tendu à converger dans
les coupures et les piquets. Ceux-ci, comme méthode, ont été
incorporés à l'arsenal du mouvement ouvrier et de masses
et sont un instrument d'organisation démocratique pour la lutte
: " Le piquet, noeud central de la coupure est formé par
un groupe d'hommes et de femmes -bien qu'éphémère,
c'est là le destin de l'avant-garde!- qui organisent et assument
la responsabilité de se maintenir sur place bien que pas nécessairement
celle de diriger. Le lieu de décision est l'assemblée,
démocratique et plurielle, qui réunit parfois des milliers
de personnes dans un exercice de démocratie directe "
. Ces trois dernières années plus de 800 " coupures
" ont eu lieu, qui avaient à leur tête des travailleurs
au chômage, des ouvriers industriels, des travailleurs de l'Etat
de l'intérieurs du pays et des instituteurs, des voisins des
quartiers populaires et de petits producteurs de la campagne. En 1997,
140 coupures ont été réalisés, en 1998
seulement 51, mais en 1999 252 et en 2000 476 dans tout le pays ,
beaucoup dans les grandes villes : Rosario, Mar del Plata, La Plata,
et Grand Buenos Aires. En janvier-fevrier 2001, les coupures de route
ont montré un développement majeur, de même pour
les piquets, dans les actions du mouvement des travailleurs au chômage
dans le Grand Buenos Aires et dans l'intérieur du pays, et
la grève générale et protestations de mars et
les luttes contre les fermetures d'entreprises et autres.
Premiers pas d'un nouveau mouvement ouvrier
C'est ainsi qu'avance un lent et long apprentissage d'expériences
pratiques des masses, qui vient depuis les révoltes provinciales
et du " Santiagazo " de 1993. L'étude citée
de I. Carreras et M. Cotarello, analyse trois moments : la "
mutinerie ", par exemple lors du " Santiagazo "; les
" grèves générales " (où sont
signalées les grèves des 26 et 27 septembre et 18 novembre
1996 comme grèves déterminantes pour freiner l'offensive
du gouvernement de Menem); et les " coupures de route ".
Les auteurs signalent que " la description de ces trois types
de protestation semble signaler une avancée depuis des formes
non systématiques vers des formes systématiques. Mais
l'interrogation qui doit être posée est de savoir si
a réussi à se constituer un mouvement de protestation
ou seulement des protestations isolées. ". (Ce document
est de la fin de 1999, lors du bref interrègne des expectatives
dans l'Alianza).
Le cours postérieur des événements, selon notre
point de vue, confirme le cours ascendant du mouvement ouvrier sur
le chemin des grandes actions de masses, comme les grèves générales
(dans plusieurs on a pu voir un front unique des centrales syndicales
CGT, CGT dissidente et CTA), et le mouvement des travailleurs au chômage
et les diverses luttes partielles. Le mouvement ouvrier a été
le protagoniste de 4 importantes grèves générales
en seulement 2 ans de gouvernement de l'Alianza, ouvrant ainsi une
nouvelles situation dans le pays.
La contondante grève nationale de 36 heures en novembre 2000,
a regroupé 6 millions de travailleurs et a été
accompagnée d'actions directes, marches et protestations dans
tout le pays, et où participaient des secteurs de travailleurs
au chômage et de la population pauvre. Les travailleurs de grandes
usines et les travailleurs au chômage ont participé ensemble
aux piquets et coupures de route (300 dans le pays, avec plus de 100
000 personnes) montrant des tendances progressistes à l'unité
de l'ensemble de mouvement ouvrier et la sympathie des secteurs moyens.
A la chaleur de ce processus, les travailleurs font leurs premiers
pas dans un nouveau mouvement ouvrier, montrant des tendances d'unification
et de centralisation et le caractère objectivement politique
de leurs actions, mettant en question les plans d'attaque du patronat
fragilisant la force politique du gouvernement.
Bien que le prolétariat n'a pas encore fait irruption dans
l'action comme une force autonome et que le retard politique est très
important, ce processus est symptomatique des tendances vers une centralité
sociale et politique plus grande de la classe ouvrière argentine.
La réalité dément les thèses de ceux qui
affirment la " décadence du prolétariat "
et sa dissolution dans de " nouveaux mouvements sociaux "
où le mouvement ouvrier ne serait qu'une composante de plus.
Il faut prendre en compte que nous venons de trois années de
récession aiguë et chômage qui rend très
difficile la grève par entreprise isolée ou les conflits
salariaux. Néanmoins, des processus ponctuels symptomatiques,
moléculaires, ont commencé à avoir lieu dans
divers segments des travailleurs occupés, comme parmi les "
autoconvoqués " du corps enseignant de la province de
Corrientes a la fin de l'année 99 où, lors de la grève,
la direction syndicale a été débordée
par une organisation démocratique de délégués
de base : pendant plusieurs jours ils coupèrent le pont stratégique
sur le fleuve Parana et ils affrontèrent la gendarmerie. La
longue lutte des travailleurs de la sucrerie La Esperanza a inclus
la prise d'otages et le fonctionnement de l'usine sous contrôle
ouvrier, devenant une expérience inédite depuis de nombreuses
années.
En 1997, les travailleurs de l'usine Fiat-Cordoba ont expulsé
la bureaucratie du SMATA et ont tenté de s'organiser de façon
indépendante dans le SITRAMF.
Maintenant, la tradition de lutte antibureaucratique affleure dans
divers processus de nouvelles directions par usine ou section et émergent
des luttes comme celles des travailleurs du poisson à Mar del
Plata qui expulsèrent la bureaucratie. Les travailleurs céramistes
de Neuquen ont réussi à renvoyer du SOECEN (syndicat
de la province) la bureaucratie et s'orientent à la mise en
place d'un syndicat militant et indépendant de l'Etat.
Ces éléments sont encore des phénomènes
isolés, d'avant-garde, mais ils montrent que la classe ouvrière
a commencé à tâter et reconnaître ses propres
forces et commence à se forger au cours de la lutte dans des
conditions très difficiles.
Dans le feu de ces actions, dans le cadre de la vie politique en ébullition
du pays, se prépare lentement le chemin pour avancer dans le
renouvellement de la subjectivité ouvrière.
Le mouvement ouvrier trouvera les méthodes pour dépasser
dans la lutte la dispersion de ses rangs imposée par l'offensive
capitaliste, et les entraves qu' opposent les " corps organiques
" sur lesquels se basent une bureaucratie fortement liée
au patronat et à l'Etat.
Il est fort possible que le renouvellement de la subjectivité
ouvrière avance grâce à la combinaison de :
a) processus de rénovation des organisations traditionnelles
qui maintiennent une certaine vitalité comme les commissions
internes, les corps de délégués, certains syndicats,
à travers la rupture de leur soumission à l'Etat et
au patronat, l'expulsion de la bureaucratie qui y est incrustée
et la plus ample démocratie de classe pour unir tous les secteurs
de celle-ci (femmes, jeunes, travailleurs en CDI, CDD et au chômage
etc...);
b) processus de création de " regroupements spéciaux
pour la lutte ", comme les piquets, les comités et autres
organismes de travailleurs au chômage, les organismes de contrôle
ouvrier, etc. Ce processus inclura la lutte pour une nouvelles idéologie
ouvrière indépendante, qui commence à dépasser
le retard politique d'une classe ouvrière modelée par
le péronisme.
III-QUELQUES LE"ONS STRAT…GIQUES.
Au travers
de ces trois processus que nous avons retracé succinctement,
les tendance des masses à prendre en main leurs propres problèmes,
leur aspiration profonde à faire valoir leur volonté
et les premiers pas sur le chemin de la recherche d'une issue à
la crise les frappant de prime abord en remettant en cause l'ordre
social et politique en cause, est manifeste. En tant qu'expériences
avancées elles nous offrent d'importants enseignements : le
caractère ouvert des affrontements, la tendance à l'auto-organisation
et la démocratie directe au sein de la lutte, autant de méthode
radicalisées au travers desquels se libèrent et s'expriment
la spontanéité, l'héroÔsme et la créativité
des masses exploitées et opprimées.
Armes
de mobilisation sociale et école d'éducation politique.
Les masse, au cours de leurs luttes et en avançant dans l'expérience
collective essaient et soumettent à l'épreuve de nouvelles
formes politico-organisationnelles et de nouvelles méthodes
d'action , pour chercher une voie de manière à affronter
les conditions économiques sociales et politiques difficiles
qu'a créé l'offensive capitaliste et impérialistes
lors des dernières décennies. La lutte pour des revendications
immédiates (la terre, le travail, la défense des emplois
et des conditions de travail), et pour des revendications fondamentales
comme le droit à l'autodétermination nationale ou la
liberté politique, nécessite la mise en place et le
développement de toute une série de "regroupements
spéciaux des masse pour la lutte(..), à travers des
comités de vigilance quant à ma cherté des prix
et d'autres comités issus du mouvement dont l'apparition est
symptomatique du fait que la lutte de classe a débordé
les limites des organisations traditionnelles du prolétariat"(37).
La lutte pour l'auto-organisation ne se limite pas au mouvement ouvrier
même s'il est d'une importance vitale pour le combat au sein
des syndicats pour leur rendre leur indépendance par rapport
à l'Etat et restaurer la démocratie ouvrière
en leur sein, c'est-à-dire pour leur reconquête révolutionnaire.
Mais c'est une nécessité aussi pour le mouvement paysan
et indigène, des masses populaires paupérisées
et du mouvement étudiant comme nous l'a montré l'exemple
de la grève de l'UNAM [université de Mexico]. Le actions
des masses commencent à indiquer comment combattre la dispersion
au sein des rangs de la classe ouvrière, la fragmentation des
secteurs populaires, la pression destructrice qui pèse sur
les campagnes, les insuffisances des organisations traditionnelles
de masse, la nécessité de mener des luttes politiques
unifiées à un niveau régional et national. "L'approfondissement
de la crise sociale ne fera pas qu'augmenter les souffrances des masses,
mais aussi leur impatience, leur persistance et leur pression. Constamment,
de nouvelles couches d'opprimés relèveront la tête
et avanceront avec leurs revendications. (...) Ils chercheront tous
une unité et une direction. Comment des revendications disparates
ou des méthodes de lutte différentes peuvent-elles s'harmoniser
même au sein d'une seule ville ?L'histoire a déjà
répondu à cette réponse, à travers les
soviets(...).(38) C'est ainsi que le programme sur lequel se basent
les trotskistes explique la dynamique de la mobilisation de masse
à partir d'un certain degré de radicalité. Cette
dynamique profonde met en évidence les leÁons de la
Coordination de Cochabamba, des Assemblées populaires ou des
"piquets" de travailleurs au chômage en Argentine.
Aux côtés de celles-ci, durant les explosions de la guerre
sociale, l'affrontement ouvert avec la police, la gendarmerie ou les
militaires, les semi-insurrection ou les soulèvements, les
barrages routiers ou les barricades, tout cela fait qu'une certaine
avant-garde accumule des expériences d'autodéfense,
en accentuant son courage et sa détermination combative. Ces
expériences d'auto-organisation et de démocratie directe
constituent une école politique formidable : elles condensent
l'expérience de la démocratie formelle et des institutions
étatiques, elles facilitent la critique des directions officielles
et des différents programmes et des courants politiques, elles
accélèrent la sélection de nouvelles couches
de dirigeant(e)s.
La classe
ouvrière doit prendre la tête de la nation opprimée.
C'est au travers de leur propre auto-organisation que les masses peuvent
se constituer en tant que sujet autonome face à l'ordre bourgeois.
Mais seule la classe ouvrière peut développer ce processus
jusqu'à son terme, en offrant une direction résolue
pour les opprimés et les exploités et une solution de
fond. La classe ouvrière latino-américaine, en unissant
ses force au delà des frontières et en établissant
des liens de classe avec le prolétariat nord-américain
peut donner une perspective anti-impérialiste et internationaliste
à la lutte des masses opprimées combattant pour leur
libération.
Seule la classe ouvrière peut assurer à travers la prise
du pouvoir politique la résolution intégrale et effective
des revendications démocratiques populaires et nationales.
Mais pour prendre la tête de la nation opprimée, le mouvement
ouvrier doit conquérir la plus large indépendance de
classe. Ceci est condition préalable fondamentale pour le triomphe
d'une véritable révolution ouvrière et populaire.
" Il est nécessaire que déjà à la
veille, (la classe ouvrière) occupe une position d'extraordinaire
indépendance par rapport à classe officiellement dominante,
plus encore, il est nécessaire qu'en elle se concentrent les
espoirs des classes y des couches intermédiaires mécontentes
de ce qui existe, mais incapables de jouer un rôle propre "
. La rupture de la classe ouvrière avec la subordination à
la bourgeoisie va de pair avec la dispute pour l'hégémonie
politique sur l'ensemble du mouvement des masses exploitées
et opprimées, luttant pour détruire l'influence bourgeoise
en elles.
La lutte pour l'unification et centralisation du mouvement ouvrier
et pour la conformation de l'alliance ouvrière, paysanne et
populaire est, à la fois, une lutte pour la différenciation
politique, non seulement par rapport au bloc exploiteur, mais aussi
de façon interne. Si à l'intérieur du mouvement
ouvrier elle signifie la rupture avec la bureaucratie syndicale privilégiée
et corrompue, à l'intérieur du mouvement paysan et populaire
elle signifie la séparation et l'affrontement entre les masses
pauvres et les secteurs aisés qui ne sont pas disposés
à rompre avec la grande propriété et l'ordre
bourgeois.
En effet, le mouvement paysan et indigène, comme les couches
moyennes appauvries urbaines, sont un conglomérat social hétérogène.
La majorité exploitée et opprimée sera disposer
à mener une lutte conséquente avec les travailleurs,
mais la minorité dirigeante, qui dans les premières
phases du mouvement a tendance à représenter les secteurs
les plus aisés et est influencée par les ONG, l'Eglise,
etc, ne voudra pas rompre avec l'ordre bourgeois. Dans les moments
décisifs, elle trahira les masses de paysans les plus pauvres
sans terre et opprimés.
Pour tout cela, le développement de la démocratie directe
et l'auto-organisation plus ample à la campagne et la ville,
sapant le contrôle des appareils réformistes et de la
bureaucratie, est une arme puissante pour que cette différenciation
politique se résolve en faveur de intérêts de
l'alliance ouvrière, paysanne et populaire. Dans les organes
démocratiques des masses en lutte, le combat devient plus facile
contre les directions traîtres, puisque, " ils seront la
vaste arène dans laquelle chaque parti et chaque groupe sera
soumis aux épreuves devant les yeux des grandes masses "
.
De cette façon la démocratie directe crée un
scénario propice à la préparation de la lutte
pour le pouvoir ouvrier et populaire, au dépassement des organisations
et directions actuelles, à la sélection de nouvelles
couches dirigeantes, à la décantation d'une avant-garde
avancée qui s'aproprie, dans le feu de ces combats, l'expériences
accumulée. En somme, elle crée un terrain extrêmement
favorable pour combattre pour une politique de classe et une direction
ouvrière et révolutionnaire.
De la
lutte pour des revendications immédiates au combat pour le
pouvoir politique.
Les "Parlements", les coordinations, les Assemblées
Populaires, malgré leur caractère épisodique,
embryonnaire, sont un levier fondamental pour un des problèmes
décisifs de la révolution latino-américaine :
celui des organes supérieurs de front unique ouvrier-paysan-populaire
capables de mener à la prise du pouvoir politique.
C'est en ce sens que nous luttons, pour la constitution et le développement
d'organismes alternatifs de démocratie directe (comités
d'usine, comités de grèves, coordinations) ainsi que
d'organes d'autodéfense (piquets, comités, etc...)pour
qu'au cours des mobilisations ils se transforment en de véritables
conseils ouvriers, paysans et populaires.
La dynamique est similaire à celle que Trotsky prévoyait
au début de la Révolution espagnole : "Dans la
phase actuelle, les juntes (juntas) sont les formes organisées
du front unique prolétarien durant les grèves, pour
l'expulsion des jésuites, pour la participation aux élections
de la Constituante (Cortes Constituyentes), pour établir des
contacts avec la troupe, pour soutenir le mouvement paysan (...).
A une étape ultérieure -nous ne savons pas encore quand-
les juntes comme organes du pouvoir du prolétariat se trouveront
opposées aux institutions démocratiques. c'est seulement
à ce moment là qu'aura sonné la dernière
heure de la démocratie bourgeoise."(41)
Comme argument théorique, le réformisme traditionnel
arguaient que l'auto-organisation n'est possible que dans le cadre
de situation directement révolutionnaires, qui ne sont bien
évidemment jamais assez m°res pour eux.(42) Mais en vérité,
les organismes démocratiques les plus variés de front
unique peuvent surgir et surgissent à partir de la base -c'est
pour cela qu'il faut combattre en ce sens- en prenant comme point
de départ les revendications démocratiques et immédiates
les plus chères aux masses, comme la lutte pour les libertés
politiques, la lutte pour la terre et contre l'oppression impérialiste.
C'est pour cela que le "mouvement révolutionnaire des
masses ouvrières, même s'il se trouve loin encore de
l'insurrection, engendre la nécessité d'une organisation
large et prestigieuse capable de diriger les combats politiques et
économiques qui englobent simultanément les lieux de
travail et les professions les plus divers."(43)
D'un autre côté, " à la seule condition que
les soviets, pendant la période préparatoire de la révolution,
pénètrent dans le sein de la classe ouvrière,
ils seront capable de jouer un rôle dirigeant au moment de la
lutte pour le pouvoir " . Il s'agit alors de pouvoir condenser
dans la conscience du mouvement de masses l'expérience pratique
accumulée dans le luttes de classes, quelque soient ses formes
épisodiques, pour que lors de l'étape décisive,
la classe ouvrière et les opprimés puissent trouver
un point de concentration pour toutes leurs énergies dans les
Conseils et s'orienter vers la prise du pouvoir par ces derniers.
Ainsi, pour reprendre les mots de Lénine " les organes
de la lutte de masses immédiate (...) survenus comme organes
de la lutte à travers la grève. La nécessité
les a poussé à se convertir avec une grande rapidité
en organes de la lutte révolutionnaire générale
contre le gouvernement. Ils se sont irrésistiblement transformés
- par la force du développement des événements
et le passage de la grève à l'insurrection- en organes
de l'insurrection (...) " . Bien sûr ceux-ci auront besoin
d'une direction révolutionnaire au front étant donné
que " sans une direction ferme, ils deviendraient une forme vide
d'organisation et tomberaient indéfectiblement sous la dépendance
de la bourgeoisie. " . Seulement un parti ouvrier révolutionnaire
pourra garantir cette direction.
IV-REPRENDRE
LE CHEMIN DES ANNEES 1970.
La grande
geste révolutionnaire internationale s'ouvrant avec mai 1968
en France a montré d'innombrables exemples de la tendance des
masses ouvrières et populaires à l'auto-organisation.On
peut penser entre autres aux Comités de soldat, d'ouvrier et
de locataires durant la révolution portugaise en 1974-75, aux
shoras (conseils) dans les usines et les casernes durant la révolution
iranienne de 1979 ou encore à l'organisation massive par Solidarité
en Pologne de 10 millions de travailleurs en 1980. Le mouvement d'ascension
révolutionnaire a connu bien des exemples en Amérique
latine. Les Cordons Industriels chiliens sont les exemples d'auto-organisation
et de double pouvoir les plus aigus pendant la période et dans
la région au cours des années 1972-73. Ils regroupaient
des représentants des usines et entreprises de toute une zone,
incluant non seulement les grandes entreprises mais aussi les petits
ateliers et bien souvent ils coordonnaient avec les organisations
de voisins, paysans, jeunes, femmes au foyer, etc. Ils discutaient
et résolvaient toute sorte de problème, depuis le ravitaillement
et les prix jusqu'à la réquisition d'entreprises, l'organisation
de la production ou l'autodéfense. Les Cordons commençaient
à déborder la direction bureaucratique de la CUT ainsi
que les coupoles des partis de la UP (Unidad Popular, intégrée
par le partis socialistes et communistes chiliens).
L'Assemblée Populaire, apparue en 1970 sur la base de la COB
(Central Obrera Boliviana) et des représentations syndicales
avec les partis politiques de gauche, se profilait comme un pouvoir
parallèle face au faible gouvernement militaire nationaliste
au cours des mois précédent le coup d'Etat d'ao°t
71 de Banzer.
Les Coordinadoras qui sont nées autour du Grand Buenos Aires
en 1975 pendant la lutte contre le gouvernement d'Isabel Peron, commençant
rassembler les commissions internes combatives de nombreuses grandes
entreprises et échappant au contrôle de la bureaucratie
cégétiste.
Aujourd'hui on commence à ressentir la nécessité
de reprendre et d'approfondir le cap que nous a signalé cette
tradition.
Les années
70, forces et faiblesses du mouvement ouvrier.
Les conditions actuelles que doit affronter le mouvement ouvrier et
de masse, après deux décennies d'offensive du capital,
rendent plus difficiles le début de la lutte, mais comme nous
avons pu le voir, les masses commencent leur expérience d'auto-organisation
et de démocratie directe depuis les phases initiales du mouvement,
ce qui peut faciliter une préparation plus large et autonome
de la classe ouvrière et de ses alliés avant que s'ouvrent
les étapes directement révolutionnaires de la lute de
classe. C'est une différence majeure avec les grandes expériences
révolutionnaires des années 1970 , puisqu'alors ces
conquêtes d'auto-organisation surgissaient tardivement, peu
avant les affrontements décisifs, et n'avaient pas le temps
de mûrir.
Au cours de années 70 la force relative du mouvement ouvrier
se basait sur son important degré de syndicalisation, le faible
taux de chômage, la confiance en ses propres forces et la grande
expérience de lutte accumulée. La possibilité
d'une société différente était manifeste
pour des millions, et dans l'avant-garde des exemples de révolution
comme à Cuba et au Vietnam avaient un grand impact. Mais cette
subjectivité relativement haute était modelée
par les concessions économiques et sociales relatives que rendaient
possibles la prospérité capitaliste de l'après-guerre.
Il est vrai que ces dernières ont été obtenues
et défendues au prix d'extraordinaires te constantes luttes
- comme la révolution d'avril 52 en Bolivie ou la résistance
de 56-59 en Argentine- mais le sous produit de celles-ci était
une subordination chaque plus grande des organisations ouvrières
et populaires à l'Etat et le resserrement des liens entre leurs
directions et l'ordre bourgeois. Dans ces conditions, la subjectivité
formellement forte du prolétariat a été modelée
sous le contrôle du stalinisme et du nationalisme.
Dans les années 70, lorsque les événements révolutionnaires
ont placé le mouvement ouvrier face à l'alternative,
défaite ou révolution, il n'a su dépasser le
poids conservateur d'une large superstructure, cimentée autour
du stalinisme ou du nationalisme, construite au cours des décennies
antérieures. Malgré les énormes succès
du prolétariat au Chili, en Argentine, en Bolivie ou en Uruguay,
il n'a pas su rompre intégralement avec l'ancienne direction
et en constituer une nouvelle au moment de la dernière étape
décisive, celle de la course de vitesse avec la contre-révolution
bourgeoise et impérialiste qui se préparait. C'était
là le talon d'Achille qui a amené au désastre
du prolétariat international en permettant par la suite l'offensive
néo-libérale des années 80 et 90. Les cruelles
défaites historiques qu'ont encaissé les masses latino-américaines,
à la suite des coups d'Etat sanglant du Cône Sud dans
las années 70, et par al suite dans les années 80 à
travers la combinaison entre les "Accords de paix" et les
"guerres de basse intensité" menées à
l'encontre de la révolution e Amérique centrale, démontrent
l'écrasante responsabilité politique des directions
réformistes, bureaucratiques et guérillistes.
Les conditions
sociales et économiques difficiles d'aujourd'hui réclament
de nouvelles méthodes et un nouveau programme.
Aujourd'hui les conditions sont différentes, le prolétariat
et les masses partent d'un niveau plus bas et sont en proie à
d'énormes difficultés. On est en train de commencer
à dépasser les séquelles de deux décennies
d'offensive bourgeoise et impérialiste sous le programme néo-libérale
qui a pu s'appuyer sur les défaites à la fin des années
70. Le prolétariat doit faire face à un chômage
et une précarité énorme, au milieu d'une foule
de travailleurs à leur compte, flexibles, migrants, etc...
Les syndicats, à la différence des années 70
ne regroupent qu'une minorité de travailleurs et sont plus
que jamais subordonnés à l'Etat bourgeois. La plus grande
partie de la gauche est passée avec armes et bagages dans le
camp de la "démocratie"
C'est ce cadre difficile qui est utilisé par certains dirigeants
et théoriciens pour justifier leur scepticisme quant aux potentialités
révolutionnaires du mouvement ouvrier. Néanmoins, ce
que cela démontre réellement, c'est l'échec des
méthodes réformistes et l'insuffisance des organisations
traditionnelles pour répondre aux dures exigences de ce temps.
Il est inutile d'attendre une recomposition organique, évolutive
de la subjectivité du mouvement de masse.
Le mouvement ouvrier a en fait besoin de formes organisatives, de
méthodes de lutte, d'un programme et d'une direction renouvelée
à la hauteur des tâches fixées. Nous commenÁons
à découvrir dans ces premières expériences
que nous avons tenté d'analyser l'énorme potentiel des
méthodes d'auto-organisation et de démocratie directe.
Il faut de plus remarquer que dans le cadre de la "globalisation
capitaliste", qui rend plus étroits encore les liens politiques
et économiques sous la domination impérialiste, des
secteurs avancés commencent à sentir la nécessité
d'unifier la lutte contre des ennemis communs par delà les
frontières. Ceci commence à s'exprimer sur des drapeaux
progressistes antiimpérilistes, comme contre le Plan Colombie
ou les plans de l'ALCA, dans le refus de l'ingérence américaine
et dans les premiers symptômes d'un nouvel internationalisme.
D'autre part, les possibilités structurelles des appareils
bureaucratiques et réformistes pour freiner durablement l'évolution
de ces mouvements sont moindres : leur influence n'est plus que l'ombre
du contrôle que pouvaient assurer les appareils staliniens ou
nationalistes dans les années 70.
Tout ceci offre d'avantage de possibilités pour que le nouveau
mouvement ouvrier, paysan et étudiant avance sur la voie de
son expérience pratique vers un cours indépendant dès
premières étapes de son développement.
V-DEUX STRATEGIES.
Comme
face à tous les problèmes fondamentaux de la lutte de
classe, sur le terrain de l'organisation et de la démocratie
directe, deux stratégies irréconciliables s'opposent
: Celle des réformistes et celle des révolutionnaires
prolétarien.
Les courants réformistes et populiste, qu'ils s'agisse des
partis communistes, "progressistes", ou des appareils de
guérilla, pour ne pas parler de toutes les variantes de la
bureaucratie syndicale, sont autant d'ennemis résolus pour
l'organisation indépendante et démocratique des travailleurs.
Ils sont hostiles à tout pas en avant échappant au "contrôle
syndical", qui remette en cause la "division des tâches"
entre ce qui est " revendication " et ce qui est "
politique ", entre ce qui est " syndical " et le "
front ou parti ".
Cette hostilité n'est pas une question " doctrinaire ".
Ils prennent toute avancée sérieuse dans ce sens de
classe comme une menace directe de leurs propres positions et leur
stratégie de collaboration de classe avec les secteur "patriotiques",
"progressistes" ou "démocratiques" de la
bourgeoisie. Les espaces de démocratie directe que conquièrent
les masses " peuvent être le meilleur instrument pour les
tâches de la lutte pour la conquête de l'influence sur
la petite-bourgeoisie. Mais, par contre, ils rendent extrêmement
difficile la collaboration de la bureaucratie ouvrière avec
la bourgeoisie. "
C'est pourquoi quand ils ne peuvent pas empêcher son apparition
ou les dissoudre, ils s'efforcent de les réduire à des
points d'appui de la collaboration de classes, à les subordonner
aux organisations existantes et à les réconcilier avec
l'ordre bourgeois. C'est ce que montre l'actuation des maoïstes
et indigénistes en Equateur, de la COB et stalinisme en Bolivie
ou de la CTA et le maoïsme en Argentine.
D'un autre côté, comme nous l'avons vu dans le cas de
la Bolivie, le programme de courants comme " l'autogestionnaire
" est impuissant pour proposer une stratégie conséquente
d'auto-organisation et de démocratie directe pour la lutte.
Une stratégie
pour l'auto-organisation des masses.
La lutte pour l'organisation indépendante va de paire avec
la préparation subjective de la classe ouvrière et de
ses alliés pour la prise du pouvoir politique. Cela consiste
à conquérir la plus large autonomie en tant que classe
en assurant les conditions de l'alliance ouvrière, paysanne
et populaire, en luttant de manière résolue contre les
directions conciliatrices et pour forger une direction révolutionnaire.
C'est là le contenu d'une stratégie conséquente
d'auto-organisation, que l'on peut aussi appeler "politique soviétique".(49)
C'est pour cela que l'on peut uniquement le faire sur la base d'une
méthode et d'un programme trotskiste qui généralise
et synthétise l'extraordinaire expérience du mouvement
ouvrier international.
Cependant, la plupart des courants se réclamant du trotskisme
échouent lorsqu'il s'agit de proposer une politique conséquente
pour développer l'organisation indépendante des travailleurs
et des opprimés, soit à cause de leur adaptation aux
directions existantes, soit par "respect des corps de représentation
organiques que sont les syndicats" et leur manque de stratégie
soviétique. La UIT et la LIT encensent les "Parlements
Populaires" d'Equateur comme des organes de pouvoir mais ont
été incapables de proposer une politique indépendante
de la direction indigéniste et réformiste. En Bolivie,
le POR refuse de lutter pour développer des Coordinations ou
des Comités de grève à un niveau national. En
Argentine, ni le MST ni le PO n'ont su retirer aucune leçon
révolutionnaire des " piquets ", si ce n'est grossir
leurs rangs.
Malgré la politique des " trotskistes " de ce genre-là,
le programme et la méthode trotskiste tend à essayer
de répondre aux nécessités profondes de la mobilisation
et trouve de nouveaux points d'appuis au sein des expériences
des masses. Le trotskysme croit en l'énergie, la spontanéité
et la créativité des exploités et des opprimés
pour dépasser les obstacles et se mettre à la hauteur
des tâches historiques, tout en combattant avec intransigeance
les médiations qui font entrave à ce développement.
Il tend à appuyer tous les pas progressistes effectués
par les masses sur le chemin de l'auto-organisation et des méthodes
de lutte qui bataillent en faveur de son développement, extension,
massification et centralisation, pour les doter d'un programme indépendant
et d'une direction ouvrière révolutionnaire.
VI-QUELQUES CONCLUSIONS.
Le cadre
complexe de la politique internationale, les irruptions de la lutte
de classe sur le continent, l'expérience politique et de lutte
que les masses sont en train d'accumuler au cours des mobilisations
constituent un laboratoire politique et social vaste et varié.
Dans ce contexte, nous assistons au réveil à la vie
politique d'une nouvelle génération qui commence à
chercher une solution de fond, avide de nouvelles idées, dans
le feu d'expériences importantes.
De plus, les combats actuels de la lutte de masses offrent une opportunité
inappréciable pour extraire des leçons révolutionnaires
et les incorporer à la méthode, au programme, à
la théorie marxiste.
Tout ceci fertilise un terrain plus favorable pour allant dans le
sens d'une recomposition de la continuité du marxisme révolutionnaire
et pour commencer à regrouper autour du programme de la révolution
prolétarienne les éléments les plus avancés.
Comme le disait Lenine, "une théorie révolutionnaire
juste, ce n'est pas un dogme, mais elle ne se forge de manière
définitive qu'en étroite relation avec l'expérience
pratique d'un mouvement de masses véritable et vraiment révolutionnaire."(50)
Nous considérons que c'est une nécessité pour
l'avant-garde ouvrière, étudiante et populaire, ainsi
que pour ceux qui se réclament du trotskisme et cherchent à
se frayer une voie vers la révolution, que de réfléchir
et de s'approprier les leÁons qu'ont laissés derrière
eux ces combats des masses latino-américaines, tout comme les
enseignement de la lutte de classe et de la politique internationale
d'aujourd'hui.
Ces tâches d'une br°lante actualité se situent dans
la perspective du combat qui sera central pour la rénovation
révolutionnaire de la subjectivité de la classe ouvrière
et des masses : la construction de nouveau partis ouvriers, révolutionnaires
et internationalistes, et d'une internationale révolutionnaire
qui centralise la lutte contre le capital impérialiste, c'est-à-dire
avancer sur le chemin de la reconstruction de la Ivè Internationale
comme parti mondial de la révolution socialiste.
La Fraction
Trotskiste-Stratégie Internationale place ses modestes forces
au service de cette perspective et des tâches urgentes que cela
nécessite.
Nous nous considérons comme une ligue de propagande marxiste
révolutionnaire qui intervient dans la lutte de classe en combattant
pour une politique trotskiste de principe. Il s'agit pour nous de
tirer les leÁons révolutionnaires de ces événements,
non comme de simples commentateurs mais parce que cela est nécessaire
et urgent pour s'armer pour l'intervention au sein de la lutte de
classe. Au Mexique, nos camarades de la LTS et Contracorriente ont
été en première ligne au sein du Conseil Général
de Grève, instrument d'auto-organisation essentiel lors de
la grève de l'UNAM. En Bolivie la jeune LOR-CI combat en faveur
d'une politique révolutionnaire pour avancer sur le chemin
ouvert par les événements d'avril et de septembre. En
Argentine le PTS, comme le montre la diffusion de notre organe La
Verdad Obrera lute pour se lier aux combats et aux processus les plus
avancés menés par les travailleurs.
Nous
ne partageons pas les velléités autoproclamatrices de
certains courants qui se considèrent comme "Le Parti Révolutionnaire"
Au contraire, nous pensons que l'on avancera sur le chemin de la reconstruction
de nouveaux partis révolutionnaires et de la IVè Internationale
à travers un processus vivant de fusions et de ruptures qui
auront lieu autour de grands événements de la lutte
de classe.
Suivant cette direction, nous proposons comme méthode correcte
qui permette de faire les premiers pas pratiques vers un rassemblement
de principe des trotskistes l'établissement de Comités
de liaison et de rapprochement avec ceux avec qui nous convergeons
sur la base des questions fondamentales de notre époque. L'effort
à mener pour tirer des leÁons dans un sens révolutionnaire
des événements politiques et des grandes actions des
masses comme celles que nous avons tentées d'étudier
au cours de cet article, guide cette même préoccupation.
Notes
:
1. L. Trotsky, Sobre Europa y Estados Unidos, Ediciones Pluma, Buenos
aires, 1975âp.10.
2.C'est-à-dire une étape préparatoire de la lutte
de classe dans les limites de l'époque impérialiste
que les marxistes appellent l'ère des crises, des guerres et
des révolutions.
3.F. Engels, "De l'action politique de la classe ouvrière",
discours du 21/09/1871.
4.Lenine, Que faire?
5.Marx, Engels, Le Manifeste communiste.
6.Cf les n8 10 et 13 de notre revue.
7.James Petras, "El nuevo campesinado revolucionario", édition
en ligne, 14/06/00.
9.L. Trotsky, "Los problemas de la insurreccion y de la guerra
civil", Trotsky, teoria y practica de la revolucion permanente,
compilation d'Ernest Mandel, Siglo XXI Editores, méxicoâ1983âP.110.
10. Il faut signaler l'usage des mêmes piquets lors des grèves
générales au Paraguay ou lors des Fronts régionaux
au Pérou.
11.Ecurunari regroupe la paysannerie indigène de la cordillère,
la FENOC est la Fédération Nationale des Organisations
Paysannes.
12.Programa del Parlamento de los Pueblos de Ecuador, projet, s/d,
s/e.
13.Mouvement politique basé sur les organisations paysannes
et les "mouvements sociaux", fortement influencé
par les ONGs et l'Eglise. Son programme combine des conceptions indigénistes
et social-démocrates.
14.c/f le n815 de notre revue, 15 mars 2000.
15.Appel du PCML du 25/01/00.
16. Javier Ponce, analyste politique cité par Kintto Lucas,
La rebelion de los indios, Quito, Equateur, 2000, P.99.
17.Communiqué du Parlamento de los Pueblos de Ecuador, 23/01/00.
18. Voir les textes de Trotsky sur la lutte contre le fascisme en
Allemagne par exemple.
19.Kintto Lucas, La rebelion de los indios, Quito, Equateur, 2000,
P.93.
20.Le PCML et le FP ont convoqué peu avant un Congrès
qui n'a pas eu de répercussion.
21.G. Almeria, "Ecuador, los poderes en pugna y el poder estatal"
in La Jornada, México 31/01/00.
22.C/f Correo Internacional, n884, la UIT a aussi publié des
analyses "rouges" de la situation.
23.Trotsky La révolution de 1905. Ed; Planeta, Barcxelona,
1975âp.191
24.Oscar Olivera, Pulso du 26/05/2000.
25. Lucha Obrera n82, La Paz, Bolivie, avril 2000.
26. R. Gutierrez et A. G. Linera, "El proyecto de la rebelion
social"âLa Razon, La Paz, Bolivie, 23/04/2000.
27. R. Gutierrez , "Asamblea constituyente : el poder en nuestras
manos", Asi Es, n82, décembre 2000.
28. R. Gutierrez âidem.
29. L. Trotsky, "La revolucion Espanola y sus peligros",
in La Revolucion espanola, ediciones El Puent, Buenos Aires, s/d,
p.81.
37.L. Trotsky Programme de transition de la IV8internationale.
38.L. Trotsky, idem.
39.L. Trotsky, Histoire de la révolution russe, chapitre sur
le double pouvoir.
40.L. Trotsky, "La Revolucion espanola y la tactica de los comunistas",
in La Revolucion espanola, ediciones El Puent, Buenos Aires, s/d,
p.62.
41.L. Trotsky, "La revolucion Espanola y sus peligros",
in La Revolucion espanola, ediciones El Puent, Buenos Aires, s/d,
p.81.
42.Le stalinisme, tout en forgeant la théorie et la pratique
des "fronts populaires", "a causé un dommage
incalculable au mouvement révolutionnaire dans le monde en
faisant passer le préjugé que les soviets ne s'orgqanisent
uniquement en vue du soulévement armé et à la
veille de ce dernier" L. Trotsky, "La Revolucion espanola
y la tactica de los comunistas", in La Revolucion espanola, ediciones
El Puente, Buenos Aires, s/d, p.62.
43.L. Trotsky, idem.
44.L. TrotskyâProgramme de transition de la IV8internationale.
45. V.I.Lenin, "La dissolution de la Douma et les tâches
du prolétariat", texte de juillet 1906.
46.L. Trotsky, "La Revolucion espanola y la tactica de los comunistas",
in La Revolucion espanola, ediciones El Puente, Buenos Aires, s/d,
p.62.
47C/f le n813 de notre revue, Estrategia Internacional, o? nous faisons
le parallèle avec l'exemple tragique de la Révolution
allemande.
48.L. TrotskyâO? va la France, editorial Pluma, Buenos Aires,
1974, P119.
49.
50. V.I. Lenin, "le gauchisme, maladie infantile du communisme"
in Obras Completas, tome XXXI, p.19 et suivantes, Editorial Cartago,
Buenos Aires, 1960.
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