Durant
les mois antérieurs à septembre 2000, la discussion
de l'Assemblée Constituante n'était pas sortie des cercles
intellectuels ou de ceux qui voyaient un affaiblissement structurel
du régime démocratique et qui cherchaient comment remettre
à flot le système de représentation actuel et
la croyance de la population en le suffrage universel.
Cependant, les défenseurs de ces idées ont rencontré
une adhésion massive à ses digressions démocratiques.
Durant le mois de septembre la Coordination de l'Eau et de la Vie
de Cochabamba faisait voter à des milliers de personnes la
nécessite de la chute du gouvernement de Banzer et la convocation
à une Assemblée Constituante. Paradoxalement, ceux qui
furent les plus surpris par cette situation furent ceux qui, durant
des décennies, ne se sont pas lassés de répéter
que les illusions démocratiques formelles avaient été
"éradiquées" de Bolivie: les Loristes.
Après les évènements de septembre où la
clé des discussions des organisations ouvrières et populaires
était la discussion d'une Assemblée Constituante, ce
groupe, loin de tenter de penser le pourquoi de cette demande et de
l'analyser en fonction des expériences révolutionnaires
de ce siècle est arrivé à la conclusion qu'il
"fallait dire quelque chose". Ainsi, la seule réponse
qu'ils furent capables de donner pour faire face à la situation
fut la consigne d'Assemblée Populaire par opposition à
l'Assemblée Constituante.
Cependant, la réalité est beaucoup plus forte que n'importe
quel schéma mental d'un individu ou d'un groupe pour autant
combatif qu'il soit. Durant les 15 dernières années,
le régime démocratique bourgeois a pu maintenir sa stabilité
en grande partie grâce à la passivité et la confiance
des masses paysannes dans les institutions basées sur la participation
de nombreuses ONG, sur le plan de participation populaire et sur diverses
concessions faites aux mouvements indigènes et paysans au niveau
culturel, constitutionnels et juridiques. Fin des années 90,
quelqu'un a dit, très à propos, que le néolibéralisme
était entré en Bolivie habillé de sandales et
d'un poncho et avec le nom de Cardenas.
Quand les grandes masses paysans entrent sur la scène politique,
durant les évènements de septembre, elles le font avec
le désir démocratique profond de réussir à
faire respecter la volonté de la majorité. Le concept
de démocratie basé sur le nombre ou la majorité
est un concept totalement formel et c'est à partir de cette
vision des choses qu'il acquiert toute sa force. Les niveaux d'abstention
électorale des années antérieures, loin de refléter
une conscience antidémocratique, comme le pensent les Loristes,
exprime une confiance passive des masses en la démocratie ou
tout au plus un certain scepticisme. On peut affirmer, sans peur de
se tromper, qu'après les évènements d'avril et
de septembre qui ont ouvert une situation pré révolutionnaire
dans notre pays que la participation aux prochaines élections
va augmenter malgré la profonde crise du régime parlementaire.
C'est la compréhension de cette situation qui a amené
à Lenin et à Trotsky à lutter pour les consignes
démocratico-formelles et ce, non seulement dans les pays semi
coloniaux sans tradition parlementaire comme en Russie en 1917, en
Chine de 1927 à 1929, mais aussi dans les pays avec une longue
tradition comme en France en 1934 (voir Programme D'action pour la
France 1934 Léon Trotsky).
La Troisième Internationale de Lenin et Trotsky et plus tard
l'Opposition trotskiste et la Quatrième Internationale comprirent
que la lutte des masses pour la satisfaction des tâches démocratique
formelles pouvait avancer jusqu'à la création d'organismes
de pouvoir ainsi qu'à l'armement indépendant des travailleurs
des campagnes et des villes, dépassant de cette manière
la revendication d'Assemblée Constituante par la construction
d'un Etat supérieur. De cette manière, la défense
des révolutionnaires de ces demandes permettait de démasquer
le caractère réformiste et tiède des directions
petit-bourgeois des villes et des campagnes qui se refusaient à
organiser une lutte sérieuse et qui avaient entièrement
confiance dans les institutions du régime.
Le Lorisme,
en abandonnant ces enseignements, termine par capituler et se rendre
complice non seulement d'Oscar Olivera ou de Costa Obregon, mais est
incapable de dénoncer le caractère réformiste
de ces individus qui s'appuient sur les illusions démocratiques
de la population. Il est profondément stérile de croire
que les secteurs ouvriers et paysans qui ne pensent pas encore à
une Révolution Socialiste et qui ont déposé toutes
leurs espérances d'un changement social dans l'Assemblée
Constituante, se lancent dans la lutte seulement grâce à
la propagande loriste pour une Assemblée Populaire absolument
diffuse.
Cette stérilité se transforme en infantilisme révolutionnaire
car lever la consigne d'Assemblée Populaire en ce moment précis
c'est tourné le dos à d'importants secteurs du mouvement
de masse et ignoré les concrètes et réelles formes
d'organisations dont se dotent les masses comme fut la forme d'organisation
pré soviétique de la Coordination de l'eau et de la
vie de Cochabamba.
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